Témoignages

Christelle

Christelle

Ma grand-mère a eu le temps de vieillir, et un cancer du sein.

Ma maman est décédée à 58 ans d’un cancer des ovaires. C’était aux premières heures du 14 septembre 2007. Elle était inconsciente depuis quelques jours mais je crois qu’elle a mis ses dernières forces à dépasser le 13, le jour de mes 33 ans. De force, de volonté et de courage, elle n’en a pas manqué pendant six ans. On a même cru qu’elle avait gagné. Elle le méritait tellement.

Elle a su que ma sœur et moi étions BRCA 1. On l’a rassurée, nous allions être suivies et si cancer il y avait, il serait pris à temps. Pas comme le sien.

Ma sœur avait 30 ans et attendait son premier enfant. Moi j’étais célibataire et en transition professionnelle, ce qui m’a permis d’accompagner maman les derniers mois. A son décès, j’ai sauté sur un job à 800 km et je suis arrivée en Belgique. J’ai contacté un gynécologue que m’avait indiqué le centre en cancérologie d’où je venais. Au téléphone, il a dressé le portrait sans ménagement : j’étais BRCA1, j’avais 33 ans et encore mes seins, je voulais des enfants mais je n’avais pas encore le père… C’était complètement irresponsable, statistiques et cas rencontrés dans sa carrière à l’appui !! Par chance, j’ai ensuite rencontré un gynécologue/sénologue extrêmement humain, qui m’accompagne depuis lors.

Le père de mes enfants, je l’ai trouvé en Belgique ! Je lui ai rapidement parlé de l’épée au-dessus de ma tête. Sa réaction a été de dire qu’il en avait peut-être une aussi, qui sait ? Et puis on a posé la question, le dépistage prénatal pour une mutation BRCA1 n’était pas autorisé (cela a changé depuis).

Ma sœur a annoncé sa seconde grossesse et j’ai fait une fausse couche. Quand elle a accouché en janvier 2011, j’étais à nouveau enceinte. Passé le premier trimestre, j’ai fait part de ma grossesse à mon employeur. J’ai commencé à sentir une douleur lancinante dans le sein droit et une boule. De « c’est courant pendant une grossesse, on va faire un contrôle par précaution », on est passé à « on peut vous soigner et vous n’avez pas à choisir entre votre santé et votre bébé ». L’épée est tombée en fin de journée et j’avais rendez-vous à l’hôpital le lendemain matin. Comptez un an m’a-t-on dit…

Pendant que bébé se développait à l’abri du placenta, la tumeur était attaquée par la chimiothérapie. Séance photo de grossesse avec foulard et perruque. Bébé me portait moralement, calmait les nausées dues au traitement, et est arrivé comme une fleur un peu avant la date prévue pour déclencher l’accouchement ! Bébé s’est révélé être une petite fille de 2.5kg qui gravit avec régularité sa courbe de croissance. Qualifiée de rayon de soleil à la crèche, elle comprend vite à l’école et tous les sports lui réussissent. Aujourd’hui c’est une belle jeune fille à l’agenda et à la liste de contacts bien remplis !

Après sa naissance, j’ai fait la dernière séance de chimiothérapie, puis l’ablation du sein malade. Par chance, il n’y a pas eu besoin de rayons. J’ai pu enchainer avec l’ablation préventive de l’autre sein et la pose de prothèses provisoires. J’avais retrouvé ma coupe de cheveux courts et ma silhouette, j’ai donc repris le travail. Puis troisième opération pour les prothèses définitives. Presque 2 ans s’étaient écoulés depuis le diagnostic… Et voilà que c’est à ma sœur qu’on annonce un cancer du sein.

L’histoire se répète, même si c’est un autre type de cancer et que le traitement est un peu différent. Elle fait face, tout en restant une maman (ses enfants ont 2 et 5 ans) et en assumant sa profession libérale.

De mon côté, l’équipe médicale donne le feu vert pour une seconde grossesse. C’était important de donner à notre fille la possibilité de développer un lien unique avec une sœur ou un frère. En l’occurrence, c’est un petit bonhomme qui arrive pour mes 40 ans.

Jeune maman à 40 ans – et ménopausée à 41 ans. Dans ma tête, c’était tout whippin, comme disent les ados maintenant ! Pas facile de se résoudre à l’opération, mais inconcevable de laisser une autre épée visible au-dessus de ma tête. Ma sœur a suivi le mouvement. Les effets pour chacune sont un peu différents, mais globalement on s’en sort bien.

Ma fille fait partie d’une étude sur les enfants dont la maman a été traitée par chimiothérapie pendant la grossesse. Pour recueillir de nouvelles données, pour faire avancer la science.

Il est maintenant recommandé de contrôler le pancréas à partir de 50 ans. Nouvelle épée au-dessus de ma tête. L’angoisse est toujours là – tapie, glaçante, bloquante.

Mais il y a aussi de la reconnaissance – débordante, chaleureuse, entraînante. J’ai entendu parlé du Bounce Back Festival organisé le 12 octobre 2024 par l’asbl Baob Brussels, une communauté dédiée à l’empowerment des femmes face au cancer. J’y ai rencontré Martina, la fondatrice du réseau BRCA, dont l’histoire familiale ressemble beaucoup à la mienne. Alors je me suis décidée à apporter ma petite contribution. En hommage à maman, et par solidarité avec tous ceux qui luttent pour eux-mêmes ou pour les autres.