Témoignages

Anaïs

Je m’appelle Anaïs, j’ai (presque) 41 ans et mon histoire démarre en 2016, avec un
coup de fil de ma petite sœur, Chloé. Je suis sur la route du travail. On attend ses
résultats car depuis qu’elle a arrêté sa pilule, son sein ne fait que grossir. Les
hormones, sûrement.
Malheureusement, c’est une toute autre nouvelle qui nous attend. 

En une fraction de seconde, un tsunami s’abat sur elle, sur moi, sur nous. La grosseur, est en réalité un cancer triple négatif qui évolue rapidement. Et celui-ci est bien méchant, bien présent. Il ne faut pas traîner.
Je raccroche, j’ai un goût amer dans la bouche. Je comprends que notre insouciance de toujours est derrière nous.

S’ouvre alors un monde qui nous était jusque-là totalement inconnu : la maladie, les
traitements, l’impact de tout cela sur sa vie et la nôtre. 
Ma sœur au tempérament calme et plutôt réservé nous montre alors qu’elle est en
réalité une véritable Viking, prête à démontrer qu’elle ne va pas se laisser faire.

Leçon de vie qui me changera à tout jamais ! 
Dans l’intervalle, la vie suit pourtant son cours et je deviens maman d’une petite
Angèle, née en avril 2017. C’est au même moment que la « génétique » fait son entrée dans ma vie mais aussi dans la vie de mon autre sœur Myrtille, de mes parents, de mon compagnon.
Test, attente, résultats… C’est désormais cette mélodie qui rythme nos vies.

En juillet 2017, je découvre que suis également porteuse de la mutation BRCA1,
qu’elle me vient de mon papa, que ma seconde sœur n’est pas porteuse (ouf!) et
que pour notre fille, nous y verrons plus clair seulement dans quelques années, lorsqu’elle pourra faire ce foutu test génétique… Ce qui nous semble être une éternité ! 

S’ensuit un tourbillon d’informations ! J’ai “déjà” 34 ans ! Par quoi commence-t-on ?

Ma sœur se bat pendant 3 années, cela nous semble parfois comme une éternité et
parfois l’inverse. Tout va trop vite, c’est trop long, trop court. La notion du temps nous fait défaut. 

Ma sœur nous quitte 3 ans après l’annonce de son cancer. Le lien viscéral qui me lie à mes deux sœurs rend cette expérience insurmontable à mes yeux, mais il FAUT continuer. Se relever. Avancer. Vivre.

Mon mantra devient alors : Un jour après l’autre. Continue. Tu verras. Chloé m’avait fait un immense cadeau, elle m’avait donné la possibilité de pouvoir choisir et non « subir ». Je n’allais pas gaspiller cette chance.

Dans la foulée, j’ai décidé de subir une mastectomie préventive bilatérale avec reconstruction immédiate fin octobre 2017.
Nous avions aussi le souhait d’avoir un deuxième enfant. Impossible pour moi
d’envisager une seconde grossesse en ayant connaissance de mon « patrimoine génétique » et ce fameux 50/50 sur lequel nous n’avons aucune emprise. 

Nous avons alors eu écho de la possibilité de réaliser une FIV avec un DPI, s’en suivent alors cinq longues années d’essais, d’espoir et d’échecs. Et pourtant, après l’ultime essai, Rosalie pointe le bout de son nez en février 2022. A trois jours de l’anniversaire du décès de ma sœur, comme un nouveau souffle, un petit rayon de soleil dans ce « tsunami » !

Fin 2022, l’équipe qui me suit m’avait prévenue : « On vous laisse jusqu’à vos 38
ans mais attendre plus longtemps, nous vous le déconseillons ». Je décide donc
que la seconde épée qui plane au-dessus de ma tête va vite aller faire un petit tour ailleurs et je subis une annexectomie préventive sans traitement hormonal de substitution. 

Nous sommes maintenant en 2024. Je suis maman de deux petites poulettes de
quasi 8 et 3 ans, je suis porteuse de la mutation BRCA1, j’aurai des seins toujours bien droits à l’orée de mes 50 ans, je suis ménopausée, je ne porte pas de soutien-gorge tous les jours et il y a des jours où je ris et des jours où je pleure.

J’ai toujours regardé « droit devant » en prenant toutes ces étapes comme elles
venaient. Bien évidemment, il y a des chemins plus faciles que d’autres, mais il y en a aussi de bien plus compliqués que le mien. Je ne comptais pas creuser un trou et
attendre, ce serait laisser beaucoup trop d’emprise à cette foutue génétique.

C’est pour que tout cela serve au moins un petit peu à quelque chose que j’ai décidé
aujourd’hui de vous partager mon histoire. M’investir dans le projet d’asbl de BRCA+ Network donne un peu de sens à tout cela. Donne aussi du sens à ce qui m’a transformée à tout jamais, mais qui fait aussi de moi ce que je suis aujourd’hui.